↘ il faut le voir pour le croire ≠ discréditer, mettre en doute, ne pas croire
phrases
aimer
à croire • croire
(qqn) sur parole • croire (que) • croire capable • croire dur comme fer • croire en Dieu • croire issu de la cuisse de Jupiter • croire le centre du
monde • croire
les yeux fermés • croire quelque chose • croire sorti de la cuisse de Jupiter • croire sur parole • croire à tort • croire à, en • croire...sur parole • donner à croire • en croire ses
oreilles • en
croire ses yeux • faire croire • laisser croire • ne croire ni à Dieu ni à diable • ne pas croire • ne pas croire si bien dire • se croire • vous pouvez me croire • être fondé à croire
mise
en ordre - grandeur,
importance, magnitude, taille - penser, trouver - estimation, évaluation[Hyper.]
classer,
noter - appréciation
personnelle, idée, opinion, point de vue - façon de voir, manière de voir, perspective, point de vue,
vision - avis,
opinion, point de vue - graduer - noter - score (en)[Dérivé]
CROIRE (v. a.)[kroi-r' ; en 1703, la prononciation indiquée est crere, sur
le théâtre on disait je croa et non pas je cres ; plusieurs prononcent crere,
dit Chifflet, Gramm. p. 201 ; je crais, dit Vaugelas ; la prononciation
longtemps incertaine, comme on voit, est maintenant fixée]
1. V. a. Être persuadé
qu'une chose est vraie, est réelle.
• Un
Turc, un hérétique qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni
loup-garou (MOL. D. Juan, I, 1)
• Mais
encore faut-il croire quelque chose dans le monde ; qu'est-ce que vous croyez
? (MOL. ib. III, 1)
• La
promptitude à croire le mal sans l'avoir assez examiné est un effet de
l'orgueil et de la paresse (LAROCHEF. Max. 267)
• Incrédules
les plus crédules, ils croient les miracles de Vespasien pour ne pas croire
ceux de Moïse (PASC. Pens. Part. II, art. 17)
• Vous
ne pouviez plus mal choisir que d'accuser le Port-Royal de ne pas croire
l'Eucharistie (PASC. Prov. 16)
• Il
ne croit donc pas le sacrifice de la messe (PASC. ib.)
• Le
pape entreprend donc sur nos libertés dans cette bulle où il veut nous
obliger de croire ses décisions (PASC. ib. 19)
• Quand
les pères ont condamné Eutychès, parce qu'il ne croyait qu'une nature en
Jésus-Christ, a-t-il dit que non et qu'il en croyait deux ? (PASC. Lett. de Nicole au P. Annat.)
• En
montrant la vérité, on la fait croire (PASC. dans COUSIN)
• C'est
un aveuglement de vivre mal en croyant Dieu (PASC. ib.)
• Que
dirai-je de ceux qui croyaient la transmigration des âmes ? (BOSSUET Hist. II, 6)
• Tels
sont les prodiges qu'il faut croire quand on ne veut pas croire les miracles
du Tout-puissant ? (BOSSUET ib. II, 13)
• Au
troisième jour il ressuscite, il paraît aux siens qui l'avaient abandonné et
qui s'obstinaient à ne pas croire sa résurrection (BOSSUET ib. II, 6)
• Ces
hommes délicats qui ne croient pas la vérité de Jésus-Christ et de la
parole (FLÉCH. Serm. I, 69)
• Les
uns croient la Providence, les autres la nient (FÉN. Pyrrh.)
• Ce
qu'il croyait il le voyait, au lieu que les autres croient ce qu'ils
voient (FONTEN. Carré.)
• Le
gouverneur ne savait que croire des dieux, il était obsédé
d'Épicuriens (FONTEN. Oracles, ch. 14)
• Il
a recours au Dieu de ses pères ; il redoute ses jugements qu'il faisait
semblant de ne pas croire (MASS. Car. Doutes sur la relig.)
• Nous
nous laissons mollement entraîner au cours fatal que nous emporte sur le
préjugé général que nous ne croyons rien (MASS. ib.)
• Vous
tremblez sur un avenir que vous vous étiez vanté de ne pas croire (MASS. ib. Vérit. de la relig.)
• Ceux
de Formose croient une espèce d'enfer (MONTESQ. Espr. XXIV, 11)
• Ces
auteurs, me repartit-il, n'ont pas cherché dans l'Écriture ce qu'il faut
croire, mais ce qu'ils croient eux-mêmes (MONTESQ. Lett. pers. 134)
• Si
quelque chose justifie ceux qui croient une fatalité à laquelle rien ne peut
se soustraire.... (VOLT. Louis XIV, 25)
• Vous
croyez tous les maux que votre âme redoute (VOLT. Mérope, I, 2)
• Si
ces philosophes croient l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme (J. J. ROUSS. Hél. III, 18)
Croire
une chose comme l'Évangile, comme un article de foi, la croire fermement.
Croire
tout comme article de foi, être extrêmement crédule.
Familièrement.
J'aime mieux le croire que d'y aller voir, se dit de choses qu'on dédaigne de
vérifier, ou qu'on n'a pas le temps ou le moyen de vérifier.
Si
vous ne le croyez pas, allez-y voir, se dit à une personne qui doute.
Terme
de pratique. Croire un titre, le recevoir pour preuve.
Faire
croire une chose, la persuader. Nous serions coupables de faire croire une
fausseté.
• Je
fis croire et je crus ma victoire certaine (RAC. Andr. I, 1)
Se
faire croire, obtenir créance. Ce voyageur raconte de telles choses, qu'il a
beaucoup de peine à se faire croire.
• Ô
bienheureux soupirs, favorables moments, Où l'un et l'autre coeur, plein de
doux sentiments, Aime et le dit et se fait croire ! (LA
FONT. Daphné,
III, 4)
Se
faire croire une chose, se la persuader à soi-même.
• L'homme
est ainsi fait qu'à force de lui dire qu'il est un sot, il le croit ; et, à
force de se le dire à soi-même, on se le fait croire (PASC. Pensées, art. XXIV, 38, éd. Lahure, 1860)
2. Ajouter foi à, obéir à,
suivre l'avis. Croyez-vous cet homme-là ? Il ne croit pas les médecins. Je
vous crois. Croyez-moi, ne faites point cela.
• Il
croit cette âme basse et se montre sans foi ; Mais, s'il croyait la sienne,
il agirait en roi (CORN. Pomp. II, 1)
• Ah
! ah ! qui des deux croire ? Ce discours au premier est fort
contradictoire (MOL. l'Étour. I, 4)
• Les
sages le prévirent ; mais les sages sont-ils crus en ces temps d'emportement,
et ne se rit-on pas de leurs prophéties ? (BOSSUET Reine d'Anglet.)
• Un
honnête homme qui dit oui et non mérite d'être cru ; son caractère jure pour
lui, donne créance à ses paroles et lui attire toute sorte de
confiance (LA BRUY. V)
• Non,
ou vous me croirez, ou bien de ce malheur Ma mort m'épargnera la vue et la
douleur (RAC. Brit. IV, 3)
• Oui,
monsieur, je vous crois, comme mon propre père (RAC. Plaid. I, 7)
• Qui
l'aurait crue [la maréchale de Clérambault], on eût fait son repas sans
quitter les cartes (SAINT-SIMON 104, 116)
• Souffle
sur ton amour, ami, si tu me crois (A. CHÉN. 159)
Par
extension.
• J'ai
failli, je l'avoue, et mon coeur imprudent A trop cru les transports d'un
désir trop ardent (CORN. Nic. II, 2)
• Et
croire la pitié qui me pourrait surprendre (ROTROU Bélis. IV, 8)
• Et
de mille remords son esprit combattu Croit tantôt son amour et tantôt sa
vertu (RAC. Andr. V, 2)
S. m.
Le croire, l'action d'ajouter foi.
• Jamais
on ne toucha mieux le naturel de la croyance en matières de choses humaines
que quand on a dit que le croire est une courtoisie ; car, comme c'est une
courtoisie de croire à un homme d'honneur, aussi est-ce une incivilité bien
rustique de démentir de braves et fidèles écrivains (GARASSE Rech. des recherches, p.
806, dans LACURNE)
3. En croire, locution
dans laquelle en, signifiant proprement sur cela, est devenu explétif.
• Ne
vous alarmez pas, elle ne m'en croit pas (CORN. Perthar. I, 4)
• Je
n'en serai point cru à mon serment, et l'on dira que je rêve (MOL. Georg. Dand. II, 8)
• Les
enfants n'en veulent plus croire leurs grands-pères (BOSSUET Hist. II, 2)
• De
cette sorte, saint Jean-Baptiste, qu'on jugea digne d'être le Christ, n'en
fut pas cru quand il montra le Christ véritable (BOSSUET ib. II, 10)
• On
aimera mieux qu'un faussaire soit prophète qu'Isaïe, ou que Jérémie, ou que
Daniel ; ou bien chaque siècle aura porté un faussaire heureux que tout le
peuple en aura cru (BOSSUET ib. II, 13)
• M'en
croirez-vous ? Lassé de ses trompeurs attraits, Au lieu de l'enlever,
fuyez-la pour jamais (RAC. Andr. III, 1)
• Ah
! fallait-il en croire une amante insensée ? Ne devais-tu pas lire au fond de
ma pensée ? (RAC. ib. V, 3)
• Quelle
faiblesse à moi d'en croire un furieux ? (RAC. Mithr. III, 4)
• Je
m'en fie à Burrhus ; j'en crois même son maître (RAC. Brit V, 1)
• Là,
si vous m'en croyez, d'un amour éternel Nous irons confirmer le serment
solennel (RAC. Phèd V, 1)
• Ah
! si vous m'en croyez, ne m'interrogez pas (VOLT. Oedipe, III, 4)
• J'obéis
sans rien craindre et j'en crois les oracles (VOLT. Sémiram. V, 4)
À
l'en croire, s'il faut l'en croire, locutions qui expriment le doute. à l'en
croire, tout est perdu.
Par
extension.
• En
croirez-vous cette lettre ? S'il en croit votre ardeur, je suis sûr du trépas
; Mais peut-être, madame, il ne l'en croira pas (CORN. Sertor. V, 4)
• Et
vous n'en croirez pas toute cette colère (CORN. Toison, IV, 3)
• En
crois-tu mes soupirs ? en croiras-tu mes larmes ? (CORN. Héracl. V, 3)
• J'en
ai cru le hasard (ROTROU Bélis. II, 10)
• Si
j'en crois leurs alarmes (RAC. Andr. I, 4)
• Que
n'en croyais-je alors ma tendresse alarmée ? (RAC. Iphig. I, 1)
• Que
si j'en crois ma gloire, il y faut renoncer (RAC. ib. II, 7)
• En
croirez-vous toujours un farouche scrupule ? (RAC. Phèd. I, 1)
• Je
connais mal peut-être une loi si nouvelle, Mais j'en crois ma vertu qui parle
aussi haut qu'elle (VOLT. Alz. III 5)
• Et
j'en croyais trop tôt un déplaisir mortel (VOLT. Zaïre, IV, 7)
• Ciel
! que vois-je ! en croirai-je ma vue ? (VOLT. Triumv. II, 4)
• N'en
croyez pas, madame, un orgueil téméraire (VOLT. Mérope, I, 3)
En
faire croire, dire des mensonges, tromper la crédulité.
• À
qui vous veut ouïr, vous en faites bien croire (CORN. Ment. I, 6)
• Il
en ferait bien croire à des esprits mal faits (QUINAULT la Comédie sans comédie, II,
5)
4. Penser, présumer,
s'imaginer. Que va-t-on croire de moi ? Vous ne sauriez croire combien cela
me contrarie. Il a cru bien faire.
• Je
vous pardonne d'avoir cru sur la foi du P. Bauny qu'Aristote ait été de ce
sentiment (PASC. Prov. 4)
• Si
on leur fait entendre que vous croyez pouvoir faire votre salut en calomniant
vos ennemis (PASC. Prov. 15)
• Je
ne crois pas que j'en pusse sortir, si on y recevait de vos nouvelles (SÉV. 164)
• Mais
c'est un jeune fou qui se croit tout permis Et qui pour un bon mot va perdre
vingt amis (BOILEAU Sat. IX.)
• Un
homme ne veut point croire qu'il soit orgueilleux, ni lâche, ni paresseux, il
veut croire qu'il a raison (BOSSUET Connais. I, 16)
• Elle
croyait servir l'État, elle croyait assurer au roi des serviteurs en
conservant à Dieu des fidèles (BOSSUET Reine d'Anglet.)
• Assiége-t-il
quelque place, il invente tous les jours de nouveaux moyens d'en avancer la
conquête ; on croit qu'il expose les troupes ; il les ménage en abrégeant le
temps des périls par la vigueur des attaques (BOSSUET Louis de Bourbon.)
• Augustin
crut que la pénitence n'avait rien qui déshonorât le sacerdoce (FLÉCH. Panég. I, p. 260)
• Vous
croyez qu'un amant vienne vous insulter ? Il vous rapporte un coeur qu'il n'a
pu vous ôter (RAC. Andr. II, 1)
• Mais
cependant, seigneur, que faut-il que je croie D'un bruit qui me surprend et
me comble de joie ? (RAC. Iphig. I, 2)
• Que
croira-t-on de vous, à voir ce que vous faites ? (RAC. Andr. III, 1)
• Les
grands ne comptent le reste des hommes pour rien et ne croient être nés que
pour eux-mêmes (MASS. Pet. carême, Obstacl.)
• Jésus-Christ
souffre à notre place et les grands croient que tout doit souffrir pour
eux (MASS. ib.)
• À
voir le climat affreux de la Moscovie, on ne croirait jamais que ce fût une
peine d'en être exilé (MONTESQ. Lett. pers. 50)
• Il
en est de l'esprit et du goût comme de la philosophie ; rien n'est plus rare
que d'en avoir, plus impossible que d'en acquérir, et plus commun que de s'en
croire beaucoup (D'ALEMB. Essai sur la société des gens de lettres, Oeuvres, t. III, p.
44, dans POUGENS.)
4. Trop croire de, avoir
une trop haute opinion de.
• Rome
a trop cru de moi (CORN. Hor. II, 1)
• Et
j'y pouvais un jour, sans trop croire de moi, Prétendre, en les servant, un
honorable emploi (MOL. l'Étour. V, 3)
Je
crois, à ce que je crois, employés comme incise, c'est-à-dire d'après mon
opinion, selon mon sentiment Vous ferez bien, je crois, de ne plus fréquenter
cet homme-là. Il avait, à ce que je crois, étudié la question la matinée.
Je
crois bien, signifie en certaines circonstances déterminées par le contexte :
cela n'est pas étonnant.
• Il
n'aime plus cette personne, je crois bien, elle n'est plus la même (PASC. P. div. 38)
Regarder
comme. On le crut fou.
• Il
ne faut presque rien pour être cru fier, incivil, méprisant, désobligeant ;
il faut encore moins pour être estimé tout le contraire (LA BRUY. V)
Croire
quelque chose à quelqu'un, croire qu'il possède cette chose. Je lui crois
beaucoup d'habileté Je croyais à cet homme plus de droiture qu'il n'en a.
5. S'en rapporter à,
compter sur.
• Je
croirais ses conseils et je verrais Pyrrhus (RAC. Andr. III, 5)
• J'ai
prononcé sa grâce et je crois sa promesse (RAC. Baj. III, 5)
• Je
fus sourde à la brigue et crus la renommée (RAC. Brit. IV, 2)
• Un
malheureux sans nom, si l'on croit l'apparence (VOLT. Mérope, II, 1)
6. V. n. Ajouter foi.
• Je
crois sur sa parole, et lui dois tout crédit (CORN. Sertor. II, 4)
• Juste
retour, monsieur, des choses d'ici-bas ; Vous ne vouliez pas croire, et l'on
ne vous croit pas (MOL. Tart. V, 3)
Être
porté à se soumettre aux autorités supérieures, célestes.
• L'esprit
croit naturellement, et la volonté aime naturellement, de sorte que, faute de
vrais objets, il faut qu'ils s'attachent aux faux (PASC. Pensées, part. I, art. 10)
• Qu'il
croie par raison ou par erreur (BOSSUET Hist. II, 13)
• Du
monde des humains inexplicable histoire ! Partout c'est le besoin d'adorer et
de croire (DELILLE Imagin. VIII)
7. Avoir la foi. à la
première prédication des apôtres, beaucoup crurent.
• Je
vois, je sais, je crois, je suis désabusée (CORN. Poly. V, 5)
• Il
y a trois moyens de croire : la raison, la coutume, l'inspiration (PASC. Pensées, art. XXIV, 43, éd. Lahure, 1860)
• Le
miracle qu'elle attendait est arrivé ; elle croit, elle qui jugeait la foi
impossible (BOSSUET Anne de Gonz.)
8. Croire à, avoir
confiance en, ajouter foi à.
• Il
[Attila] croyait fort aux devins, et c'était peut-être tout ce qu'il
croyait (CORN. Attila, Préf.)
• Quoi
! vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique ? - Et
pourquoi veux-tu que j'y croie ? (MOL. le Fest. III, 1)
• Allez,
ne croyez point à monsieur votre père (MOL. Tart. II, 2)
• Direz-vous
qu'ils la reçoivent [cette constitution] extérieurement, mais que dans leur
âme ils n'y croient pas ? (PASC. Lett. de Nic. au P. Annat.)
• Ô
ciel ! qu'on doit peu croire Aux dehors imposants des humaines vertus
! (GRESSET Édouard III, II, 6)
9. Croire à, être persuadé
de l'existence de, de la vérité de. Il proteste de son innocence ; mais je
n'y crois pas.
• Comment
n'eussent-ils pas cru aux oracles ? ils croyaient bien aux songes (FONTEN. Oracl. I, 8)
• Le
mot célèbre de Fontenelle à un prince qui lui disait qu'il croyait peu à la
vertu : monseigneur, il y a d'honnêtes gens, mais ils ne viennent pas vous
chercher (CONDORCET Maurepas.)
• Ainsi
de nouvelles erreurs entretiennent dans des erreurs anciennes ; et on croit à
toutes avec d'autant plus de confiance, qu'on croit à un plus grand
nombre (CONDILLAC Hist. anc. III, 3)
• Je
crois à la victoire et non pas à la paix (LUCE DE
LANCIVAL Hector,
V, 4)
• Je
ne crois plus aux Dieux, je crois aux fils ingrats (C.
DELAV. Paria,
III, 4)
• Il
est dit : croyez à l'Église ; mais il n'est pas dit : croyez aux miracles, à
cause que le dernier est naturel et non pas le premier ; l'un avait besoin de
précepte, non pas l'autre (PASC. Pensées, art. XXXIII, 8, éd.
Lahure, 1860)
10. Croire en, être
persuadé de l'existence de. Croire en Dieu.
• Attend
pour croire en Dieu que la fièvre le presse (BOILEAU Sat.I)
Croire
en soi, avoir une idée exagérée de son mérite.
11. Se croire, v. réfl.
Avoir certaine opinion de soi. Cet homme se croit habile.
• Pour
être plus qu'un roi, tu te crois quelque chose (CORN. Cinna, III, 4)
• Il
n'y a que deux sortes d'hommes : les uns justes qui se croient pécheurs, les
autres pécheurs qui se croient justes (PASC. Pensées, art. XXV, 72, éd.
Lahure, 1860)
Penser
quelque chose au sujet de soi. Il se croyait au moment de réussir.
• Je
me croirais haï d'être aimé faiblement (VOLT. Zaïre, I, 2)
Avoir
confiance en soi.
• Tout
est illustre en eux quand ils daignent se croire (CORN. Pomp. II, 1)
• Écoutez
tout le monde, croyez peu de gens, gardez-vous bien de vous croire trop
vous-même (FÉN. Tél. XXIV)
Être
cru. Ce qui se dit souvent finit par se croire.
S'en
croire, obéir au sentiment qu'on a.
• Mais,
si je m'en croyais, je ne le verrais pas (RAC. Andr. II, 1)
S'en
croire beaucoup, s'en croire beaucoup trop, avoir en ses forces ou son mérite
une confiance exagérée.
Croyez
cela et buvez de l'eau, c'est-à-dire buvez de l'eau pour mieux digérer de
pareils contes.
REMARQUE
1.
Croire, suivi de que, dans une phrase affirmative, veut l'indicatif : Je
crois que cela est.— Mais autrefois il n'en était
pas ainsi ; et le sens dubitatif qui est naturellement attaché à croire
faisait qu'on mettait volontiers le subjonctif : La plus belle des deux je
crois que ce soit l'autre (CORN. le Ment. I, 4)— Je croyais bien qu'on fût damné pour n'avoir pas de
bonnes pensées, mais.... (PASC. Prov. 4)— Vous croyez donc qu'il faille avoir Beaucoup de peine
à Rome en fait que d'aventures ? (LA FONT. Cand.)— Elle croyait que le petit Noirmoutier dût être
aveugle (SÉV. 6)— Je croyais que tout fût
perdu (SÉV. 114)— Je croyais que vous
n'eussiez point fait réponse au cardinal (SÉV. 128)— Il croyait que ce dût être le 15e de ce mois (SÉV. 324)— Malgré ce rejet actuel
du subjonctif, on l'admettra sans peine dans une phrase telle que celle-ci :
Nous nous demandons sans cesse ce qu'on croit que nous soyons (MASS. Myst. Incarn.)
2.
Croire suivi de que, dans une phrase négative ou interrogative, veut le
subjonctif : Je ne crois pas qu'il vienne. Croyez-vous qu'il le fasse ?
Avez-vous cru qu'il partît si tôt ? Je ne croyais pas qu'il payât.
Croyez-vous encore qu'il ait de l'habileté, après toutes les sottises qu'il a
faites ?
3.
Croire, dans une phrase interrogative, suivi de que, peut être suivi du futur
de l'indicatif ou du conditionnel : Croyez-vous qu'il payera ses dettes ?
Aviez-vous cru qu'il payerait ses dettes ? Les grammairiens se sont efforcés
d'établir une différence de sens entre ces constructions et celles où l'on
met le subjonctif ; croyez-vous qu'il paye ? aviez-vous cru qu'il payât ?
mais toutes les différences paraissent arbitraires.
4.— Croire se construit avec un verbe à l'infinitif sans
préposition intermédiaire ; on n'imitera donc pas les exemples suivants : Ils
[les évêques de Beauvais et Beaufort] crurent d'en venir facilement à
bout (LAROCHEF. Mém. 9)— Mais enfin
croyez-vous de vivre toujours ? (J. J.
ROUSS. Ém. V)
5. On
a dit en croire à :— Vous n'en avez cru ni à ma
parole ni à l'expérience (BOSSUET cité dans le Dict. de
BESCHERELLE)— Il est mort ; cependant si
j'en crois à mes yeux.... (CRÉB. Électre, IV, 1)— Cet homme, car déjà j'en crois à ma fureur (BERNIS Religion, I, 233) Cette locution n'est pas incorrecte en soi, puisqu'on
dit activement en croire ; mais elle est peu usitée.
SYNONYME
1.
CROIRE QUELQUE CHOSE, CROIRE à QUELQUE CHOSE ; CROIRE QUELQU'UN, CROIRE à
QUELQU'UN. Croire quelque chose, c'est l'estimer véritable : Je crois ce que
vous me dites. Croire à quelque chose, c'est y ajouter foi, y avoir
confiance, s'y fier : Je ne crois pas à l'efficacité de ce remède. Croire
quelqu'un, c'est ajouter foi à ce qu'il dit : Il ne faut pas croire les
menteurs. Croire à quelqu'un, c'est croire à son existence : Croire aux
sorciers, c'est croire qu'il y en a ; Croire les sorciers, c'est croire ce
qu'ils disent.
2.
FAIRE CROIRE, FAIRE ACCROIRE., Faire croire, c'est persuader à autrui une
chose que l'on croit vraie ou que l'on croit fausse. Faire accroire, c'est
persuader à autrui une chose que l'on sait fausse. Aussi faire croire peut se
dire des choses comme des personnes : Ce nuage de poussière me fit croire
qu'une troupe de cavaliers venait ; mais faire accroire ne peut se dire que
des personnes.
HISTORIQUE
XIe
s.— Il dit au rei : jà mar crerez Marsile (Ch. de Rol. XIV)— Iert i sis
nies [son neveu y sera] li quens Rolans, ce crei [je crois] (ib. XLII)— Mort sont li
conte, se est qui mei en creit (ib. XLII)— Del rei paien, sire, por ver [pour vrai] creez (ib. LIII)— [Il] Ne creit en
Deu le fil sainte Marie (ib. CXII)— Respont li dus : sire, je vous en crei (ib. CCLII)— Li reis creit
Deu, faire veut son service (ib. CCLXVIII)— Creire [elle] veut Deu, chrestientet demande (ib. CCXCII)
XIIe
s.— Ostages bien creüz [en qui on puisse se
fier] (Ronc. p. 12)— Se
ne creez mes dits (ib. p. 22)— Creez [croyez] mon los [conseil] (ib. p. 27)— Si voirement come
nous le creon (ib. p. 48)— Las ! se jel pert, de ce sui bien creanz, Jamais n'ert
jor que n'en soie dolans (ib. p. 86)— Et si [il] cresra sainte crestienté (ib. p. 117)— Dame, cil dex en
cui [nous] somes creant (ib. p. 121)— [Dame] qui croit faus druz [amant] menteor (Couci, I)— Je sai moult bien
qu'ele croit les felons (ib. XIII)— Conseil [il] aura creü moult fol et enfantif (Sax. XXIV)
XIIIe
s.— Biaus sire, nous avons vos lettres veües, qui
nous dient que nous vos creons de tout ce que vos dirés (VILLEH. LXVI)— Et vos feistes mout
mal quant vos les creütes (VILLEH. CXXIII)— Les lettres disoient que autant les creüt-on comme lor
seigneurs (VILLEH. X)— Bien fait qui se porvoit
En croire ce qu'il doit, Ce dit li vilains (Proverbes
du comte de Bret. Ms. de St-Germ. f° 114, dans LACURNE)— Çà est li bons vins de Soissons ; Sor l'erbe vert et
sor les jons Fait bon boivre à henap [coupes] d'argent ; Caiens [céans] croit
l'en [l'on fait crédit] toute la gent ; Caiens boivent et fol et saige (CORTOIS D'ARTOIS Ms. de St-Germ. f° 83, dans LACURNE)— Se
croire me voulez, bien serez assenée [dirigée] (Berte, XLVI)— Constance, dist
Symons, je croi que elle ait faim (ib. XLIX)— Sachiez, vous en avez mauvais conseil creü (ib. LI)— Un certain messager
qui bien faisoit à croire [en qui on se pouvait fier] Pour bien faire
message, n'estoit pas com le loire (ib. LXVI)— Je croi qu'ele soit morte (ib. XCV)— Ains croi [je] que
sans point de demore, Son hommage [tu] li renoiasses, Ne jamès par amor
n'amasses (la Rose, 4264)— Amors, qui te fait en li croire, Te tolt ton sens et
ta memoire, Et de ton cuer les iex avugle (ib.
6929)— Et trouva que le Vieil de la Montagne
ne creoit pas en Mahommet, ainçois creoit en la loy de Haali, qui fu oncles
de Mahommet (JOINV. 260)— Il a maint preuhomme chevalier en la terre des
Crestiens et des Sarrazins, qui onques ne crurent Dieu ne sa mere (JOINV. 275)— Le saint roi se esforça
de tout son pooir, par ses paroles, de moi faire croire en la loi
crestienne (JOINV. 197)— Ertaut de Nogent fu le
bourgois du monde que le conte creoit le plus (JOINV. 205)— Moult de ses gens li
loerent [conseillèrent] que il attendist tant que ses gens feussent revenus,
parce que il ne li estoit pas demouré que la tierce partie de ses gens ; et
il ne les en voult onques croire (JOINV. 214)
XIVe
s.— Et il s'en croient au jugement de ceulz qui
sont bons et sages (ORESME Eth. 243)— Qui croit paroles doucereuses souvent les trouve
venimeuses (LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 387)— Vous parlez saigement ; Se ne croy vo conseil, jammais
Diex ne m'ament [m'amende] ; Car de boin conseil croire, vienent li bien
souvent (Baud. de Seb. VIII, 460)
XVe
s.— Il estoit moult aimé et cru en la ville (FROISS. I, I, 190)— Puis que nature
s'entremit D'entailler si digne figure, Il est à croire qu'elle y mit De ses
biens à comble mesure (ALAIN CHART. Excusation de maître Alain.)— Et le roy, croyant ces choses, s'en alla audit pais de
Normandie (JEAN DE TROYES Chron. 1475)— Et pour ce à vous bien confesser me doy De croire
[prêter] ainsi, dont j'ai grant repentance, Quant on n'a pas renvoyé devers
moy Un prest que fis.... (EUST. DESCH. Poésies mss. f° 343, dans
LACURNE)— Suppliant au roy ne vouloir
legierement croire contre luy et son filz (COMM. I, 1)— Le bruyt d'artillerie faisoit croire de tous les deux
costez quelque grande entreprinse (COMM. I, 11)— Quant le roy eut ce ouy, il dit à Tanor : Tanor, ne me
croyez jamais, se celluy qui là a parlé n'est Salphar de Liban (Perceforest, t. VI, f° 107)— Le
roy y estoit en personne, qui à ce siege ne croyoit personne [ne s'en
rapportait à personne] (ib. t. V, f° 101)— Il ne fut pas maistre pour lors ne cru de faire son
vouloir (LOUIS XI Nouv. I)
XVIe
s.— Il appert par les livres des anciens Peres que
cela estoit receu sans difficulté, de dire croire l'Eglise, et non pas en
l'Eglise (CALV. Instit. 811)— Ils
l'envoyarent vivre en la forest de Biere ; je croy qu'elle n'y soit plus
maintenant (RAB. Gar. I, 21)— Messieurs, je
croy que vous soyez faict mal, pardonnez le nous (RAB. Pant. II, 25)— Je croy en
Dieu le pere tout-puissant.... Je croy la saincte et catholicque Eglise Estre
des sainctz et des fideles une Vraye union, entre eux en tout commune....
Finalement croi la vie eternelle (MAROT IV, 342)— Je croy que, avant que recepvez ceste reponse, vous
aurez du roy ce que avés demandé (MARG. L. 50)— Je vous supplie le croire de ce que je l'ay prié vous
dire (MARG. ib. 49)— S'il en faut croire
du Bellay (MONT. I, 25)— Je ne croy pas que
ces mouvements se feissent avecques discours [réflexion] (MONT. I, 50)— Si ce sont medecins,
je les crois en ce qu'ils disent de.... (MONT. I, 58)— Je crois de la medecine tout le pis ou le mieulx qu'on
vouldra (MONT. I, 130)— Ils croyent les ames
immortelles, et les mauldites estre logées du costé de l'occident (MONT. I, 238)— Les grands esprits
font un aultre genre de biencroyants (MONT. I, 389)— Au moins se trouveroit-il une chose qui se croiroit
par les hommes d'un consentement universel (MONT. II, 319)— Il ne fault pas croire à chascun, dict le
precepte (MONT. II, 331)— Du mont souvent
armée devalla, Croyant pour vray qu'en la campaigne il soit : Puis ne
trouvant personne, s'en alla, Et croit qu'il est monté par autre voye (LA BOÉTIE 487)— Je n'en diray pas
davantage, sinon que je me fay croire qu'elle en viendroit à bout en huit
jours (LANOUE 437)— Et, pour cela, il s'en
faisoit croire, et parloit. d'une braveté grande (DESPER. Contes, XLII)— Ses amis
allerent enhortans le peuple assistant de croire à ce qu'il avoit dit (AMYOT Solon, 11)— Les Megariens le
creurent facilement (AMYOT ib. 12)— Ne croire point aux dieux (AMYOT Péric. 60)— Il leur feit à
croire que Alexandre s'estoit, en dormant, apparu à luy (AMYOT Eum. 25)— Plusieurs croient
que le poëte et l'historien soient d'un mesme mestier ; mais ils se trompent
beaucoup (RONS. 514)— Legier croire [croire
légèrement] fait decevoir ; Il faut congnoistre avant que aymer (l'Amant rendu Cordelier, p. 514, dans LACURNE)— Ne croire à Dieu que sur bons gages (COTGRAVE)— Fol ne croit
jusques à tant qu'il reçoit (COTGRAVE)— Pour neant demande conseil qui ne le veut
croire (COTGRAVE)— Qui
sempres croit et asne meine, son corps ne sera jà sans peine (COTGRAVE)
6.
Racine a dit : Vous croyez qu'un amant vienne vous insulter, Andr. II, 1.
Laharpe trouve là une faute évidente qu'il faut corriger en lisant :
croyez-vous ? On ne peut être de l'avis de Laharpe ; les exemples cités à la
Remarque 1 rendent sa correction tout à fait inutile.
7.
Croyez-moi que, reconnaissez avec moi.— Croyez-moi
qu'Alcidon n'en sait guère en amour (CORN. Veuve, III, 4)— Si tes feux en son coeur produisaient même effet,
Crois-moi que ton bonheur serait bientôt parfait (CORN. Mélite, I, 2)— Cela [à propos
de paroles flatteuses du roi sur les Grignan] fut charmant, et l'on doit être
comblé ; mais croyez-moi que les temps changent (SÉV. 28 févr. 1680)
8.
Je l'ai cru s'éteindre, a été dit pour : J'ai cru qu'il s'éteignait.— Hélas ! qu'il était grand quand je l'ai cru s'éteindre,
Votre amour, et qu'à tort ma flamme osait s'en plaindre ! (CORN. Androm. Lexique, éd. Marty-Laveaux)